Par Lethicia Magno Massuia de Almeida
Thèse soutenue le 07/12/22 | laboratoire EVA
Résumé
De nombreuses études font le constat des effets délétères du stress thermique pendant la phase reproductrice des végétaux, ce qui est préjudiciable au rendement et à la qualité des produits récoltés chez les espèces de grandes cultures. Cependant, dans un contexte de changement climatique caractérisé par une fréquence accrue des vagues de chaleur printanières et estivales, la réponse des cultures à la répétition des stress thermiques reste encore peu étudiée et leur interprétation ne prend pas souvent en compte la possibilité d’un effet mémoire du stress modifiant la réponse des cultures à des stress ultérieurs. Cet effet mémoire peut être bénéfique grâce à un effet priming atténuant ou négatif par un effet amplificateur des stress successifs. En effet, il a été démontré qu’il était possible de sensibiliser les plantes grâce à une période de stress modéré précédant un stress plus intense par l’effet bénéfique de la mémoire du stress. Dans le cadre de cette thèse, nous avons testé plusieurs protocoles des stress thermiques chez le colza, différant par leur intensité, la période d’exposition, la durée et la fréquence en conditions contrôlées, dans l’objectif de caractériser les réponses des plantes aux stress répétés pendant le cycle de la culture (effets intragénérationnels) et au cours de deux générations de plantes stressées (effets intergénérationnels). Nos travaux de caractérisation écophysiologique montrent que les effets des stress thermiques répétés ne sont pas significatifs sur le rendement total du fait des phénomènes de compensation reflétant la plasticité du colza, à la différence des effets sur les critères de qualité grainière. Ces effets diminuent la teneur en acides gras, modifient les proportion d’acides gras monoinsaturés au détriment des acides gras polyinsaturés (i.e. augmentation du ratio ω6:ω3) et conduisent à une dégradation de la qualité physiologique des graines (i.e. perte de l’intégrité membranaire, accélération de la germination et augmentation de la dormance). Nos résultats ont également indiqué qu’un stress modéré précédant un stress tardif plus intense avait un effet bénéfique, mais uniquement sur la teneur en azote des graines et un ratio d’oligosaccharides de la famille du raffinose, indicateur de la tolérance à la dessiccation. Dans des perspectives d’amélioration des performances des cultures face au changement climatique, des protocoles thermo-sensibilisants pourraient être proposés en ciblant des composés majeurs de la qualité grainière. Ainsi, les protocoles thermo-sensibilisants envisageables doivent prendre en compte (i) la température optimale au processus de synthèse du composé ; et (ii) la synchronisation entre l’événement thermique ayant un effet bénéfique et la période de synthèse/maturation du composé ciblé. En parallèle à ce travail de caractérisation écophysiologique, nous avons testé trois approches de modélisation (i.e. indicateurs écoclimatiques, un modèle de culture (semi-) mécaniste et deux méthodes de fouille de données) qui ont mis en évidence (i) les effets non additifs des stress thermiques répétés et (ii) la nécessité d’améliorer les fonctions de température au sein des modèles de culture mécanistes. Notre travail de modélisation est une preuve de concept sur la nécessité de considérer la mémoire du stress dans les modèles prédictifs des performances culturales, qui démontre le besoin de faire évoluer les modèles actuels pour mieux estimer les effets des stress thermiques répétés et leurs conséquences sur le rendement et la qualité des produits récoltés.